Tribune

Protection des grands fonds marins : 2025, année abyssale !

Une année décisive pour la protection des grands fonds marins

Faune abyssale ifremer

Alors que le spectre de l'exploitation minière continue de planer sur les grands fonds marins, le Centre national de la mer Nausicaá et l’IFREMER, co-auteurs de la grande exposition « Destination Abysses »[1], souhaitent rappeler l'importance de mieux connaître ces écosystèmes fragiles pour mieux les protéger. Au printemps prochain, la France accueillera à Nice la troisième Conférence des Nations unies sur l'Océan, un événement déterminant pour l'avenir de ces milieux encore mal connus.


 

[1] https://www.radiofrance.fr/franceculture/evenements/plongez-au-coeur-de…

 

Une année décisive pour la protection des grands fonds marins

Il y a un an, le 20 septembre 2023, l’Union européenne signait, suivie par 90 ­­­pays, un traité historique pour la protection de la haute mer. Bien que cet accord constitue une avancée significative, il ne dissipe pas toutes les menaces, notamment celles qui pèsent sur les grands fonds marins. 

Essentiels pour l’humanité mais encore largement méconnus, ceux-ci suscitent en effet un intérêt croissant notamment pour l'exploitation minière. La possibilité d'extraire les ressources des abysses se rapproche, rendant d’autant plus importantes les décisions qui seront prises dans les mois à venir.­­

La dernière session de l'Autorité internationale des fonds marins s’est achevée cet été en Jamaïque et nous nous trouvons face à une année cruciale pour l’avenir des grands fonds marins. Si plusieurs États, dont la France, l'Allemagne, le Brésil ou encore le Costa Rica sont parvenus à ouvrir une discussion autour de la possibilité d’une « politique générale sur la protection et la préservation du milieu marin »[1], aucun consensus ne ressort de ces échanges quant à un moratoire ou à une pause de précaution sur l’exploitation des grands fonds marins. 


 

[1] https://www.ouest-france.fr/mer/en-jamaique-davantage-de-pays-demandent…

Des découvertes scientifiques sans précédent
 

Alors que l’exploration scientifique des abysses commence à lever le voile sur leurs secrets, l’éventualité d’autoriser l’exploitation a de quoi inquiéter légitimement. Plusieurs découvertes récentes témoignent de la richesse de ces écosystèmes encore largement inexplorés.

Il y a deux ans, une étude a révélé que les sédiments des abysses abritaient trois fois plus de biodiversité que les masses d’eau[1] ; et cette année, au large des côtes du Chili, des chercheurs du Schmidt Ocean Institute[2] ont mis au jour plus d'une centaine d'espèces marines inconnues.

Côté Atlantique cette fois-ci, l’Ifremer a rapporté en 2020 que les modioles, ces mollusques parents des moules, vivaient au rythme des marées[3], et cela à 1700 m de profondeur. Une découverte majeure qui montre que l’océan est unique et connecté, de la surface aux abysses, de la côte au large. 

Enfin, en juillet dernier, la revue Nature révélait la découverte d’un « oxygène noir » à plus de 4 km de profondeur dans le Pacifique[4]. Une information qui a surpris la communauté scientifique mondiale : une telle production d’oxygène n’avait jamais été observée à ces profondeurs dans un milieu sans lumière et donc sans photosynthèse.

L’exploration des abysses ne cesse donc d’étonner et d’apporter de nouvelles découvertes. Or exploiter aujourd’hui les ressources minérales de l’océan profond conduirait à détruire tout ou partie des informations que les scientifiques cherchent à recueillir. Si ces milieux sont détruits, il n’y aura pas de retour en arrière possible à l’échelle humaine. En témoignent les traces, encore visibles 30 ans après, des dragages expérimentaux réalisés sur des champs de nodules dans le Pacifique dans les années 1970-1980.


 

[1] https://www.ifremer.fr/fr/presse/climat-le-role-mesestime-de-la-biodive…

[2] https://www.francetvinfo.fr/sante/decouverte-scientifique/des-scientifi…

[3] https://www.ifremer.fr/fr/actualites/les-moules-des-grands-fonds-ont-le…

[4] https://www.nature.com/articles/s41561-024-01480-8

La France en première ligne

Privilégier l'exploration scientifique permettra non seulement de mieux comprendre ces milieux, mais aussi de mieux les protéger. Et la France a une immense responsabilité en la matière en tant que pays qui possède la plus vaste superficie de grands fonds marins au sein de sa zone économiques exclusive[1].

Notre pays héberge par ailleurs un tissu remarquable d’instituts de recherche, de centres de médiation scientifique et de musées qui œuvrent à produire des connaissances scientifiques sur les grands fonds marins et à les partager avec le plus grand nombre. En tant qu’acteurs majeurs de la connaissance de l'océan, nous affirmons clairement que la priorité doit aujourd’hui être d’améliorer nos connaissances plutôt que de se lancer aveuglément dans une course aux abysses dont nous percevons les risques même si nous mesurons encore mal toutes les conséquences. C’est bien là le sens des positions exprimées par la trentaine de pays qui se sont prononcés en faveur d’une pause de précaution, d’un moratoire, voire, pour la France, d’une interdiction de l’exploitation des ressources minérales profondes.

Avec l’organisation à Nice en juin prochain de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan, l’année 2025 constitue une occasion unique de réunir les décideurs politiques du monde entier, la communauté scientifique mondiale et la société civile. Dans le sillage de nos actions de sensibilisation et de recherche scientifique, nous répondrons présents lors des discussions en nous engageant à fournir une compréhension globale de la santé et de la trajectoire future de l'océan, ainsi que des bienfaits qu'il procure à l'humanité.


 

[1] Grands Fonds Marins – 2022. Rapport du Think tank de la Fondation de la Mer.

Nos engagements

  • Soutenir la position de la France pour un moratoire international sur l'exploitation minière des grands fonds marins.
  • Organiser des expositions, des conférences et des événements pour sensibiliser le grand public à cet enjeu crucial.
  • Constituer une délégation de jeunes engagés pour l'Océan qui participera à la Conférence de Nice 2025 et portera un plaidoyer pour la protection des grands fonds marins.

Dans le cadre de notre participation à la Conférence de Nice 2025, Nausicaá lance ce mois-ci la constitution d’une délégation de jeunes engagés pour l’Océan qui se mobilisera à travers l’organisation de différents événements à l’échelle mondiale. Notre objectif final est de présenter à Nice un plaidoyer devant les chefs d'État du monde entier, afin de les inciter à prendre des engagements concrets pour la protection des océans.

Cet enjeu concerne tous les citoyens, tant la sécurité et la qualité de vie de chacun sont liés à un océan et un climat préservé.

Parce qu’il est de notre responsabilité collective de préserver l'environnement, la biodiversité et le fonctionnement écologique des grands fonds marins, mobilisons-nous dès aujourd'hui pour protéger les grands fonds marins ! 

 

 

Crédit photo : (c) Ifremer/MNHN - Kanadeep (2019)

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