Comment les animaux des abysses s’adaptent-ils aux conditions de vie extrêmes ?
Quelles sont les caractéristiques physiques qui leur permettent de survivre dans les grandes profondeurs de l'océan ?
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Partir à la découverte de ce qui se passe sous la surface des océans a toujours fasciné les humains, et plus encore, plonger dans les profondeurs de ce gouffre insondable que représentent les abysses.
L’imagination des poètes et écrivains a fait naitre un monde fantasmagorique peuplé de créatures effrayantes et spectaculaires entrainant au fond des mers l’aventurier téméraire qui oserait se frotter à un environnement hostile et mystérieux. Souvenez-vous de « 20 000 lieues sous les mers », du légendaire kraken ou encore du film Abyss de James Cameron !
Aujourd’hui ce « gouffre insondable » commence à livrer ses secrets et l’exploration des grands fonds marins révèlent que les conditions de vie extrêmes n’empêchent pas la vie animale de s’y développer, comme on l’a longtemps cru.
Chaque campagne océanographique rapporte la découverte de nouvelles espèces et certaines d’entre elles entretiennent le fantasme de la créature extraordinaire par leur figure étrange et effrayante.
Mais ces animaux sont-ils uniquement effrayants ou se sont-ils simplement adaptés à leur milieu de vie ?
Des dents acérées, une mâchoire molle ou un estomac extensible : il faut bien manger !
« Je ne suis pas moche, je suis adapté à mon milieu ! », telle pourrait être la revendication de la faune abyssale qui présente des caractéristiques parfois hors normes mais vitales à sa survie dans les grands fonds.
En effet la nourriture est rare dans les profondeurs de l’océan et tout est fait pour pouvoir attraper une proie quand elle se présente et s’offrir la garantie d’un bon repas !
Des techniques...pointues !
Ainsi la baudroie a des dents acérées également dans le fond de la gueule de manière à assurer une prise de la proie et l’empêcher de s’échapper. Le poisson-ogre a des dents disproportionnées par rapport à sa taille (il mesure au maximum 16 cm) et à l’âge adulte il a deux cavités de part et d’autre de son crâne pour ranger les grands crochets qui se trouvent sur sa mâchoire inférieure. Le poisson vipère, lui ne peut même pas refermer sa gueule : ses dents sont trop grandes !
Le poisson dragon des abysses a lui la particularité d’avoir des dents transparentes, invisibles quand s’ouvre sa bouche noire. La proie, attirée par la barbe photoluminescente du dragon finit dans sa gueule. Autre particularité : sa mâchoire est molle et lui permet d’avaler de grosses proies.
Chez le Grandgousier-pélican, qui vit entre 500 et 7 600 m c’est un peu la même chose : son corps d’anguille se termine par un leurre bioluminescent et sa gueule qui représente un quart de sa taille se présente avec une poche qui lui sert de filet. On comprend mieux d’où lui vient son nom !
Le grand avaleur Chiasmodon niger mérite bien lui aussi son nom. Son estomac extensible lui permet d’avaler une proie de deux fois sa taille et dix fois son poids alors qu’il ne mesure que 25 cm !
C’est toi dans le noir ? Transparence et bioluminescence dans les grands fonds !
Disparaitre ou être vu ?
Dans les profondeurs où l’obscurité règne, disparaitre ou être vu sont deux défis relevés par les animaux des abysses.
Dans les grands fonds marins, 90 % des animaux sont bioluminescents ! Car être vu est une nécessité pour se trouver et se reproduire.
La bioluminescence est aussi l’astuce qu’utilisent certaines espèces pour attirer leurs proies. La baudroie abyssale et les autres poissons pêcheurs agitent un leurre lumineux pour capturer leur repas.
Certains animaux, comme le calmar, utilisent la lumière pour se rendre invisible et pouvoir ainsi échapper à leurs prédateurs éblouis. Pas vu, pas pris !
D’autres, comme le poisson-lanterne, utilisent la faculté d’émettre des flashs lumineux pour communiquer avec leurs congénères.
Une vie sous pression
Un corps tout mou pour résister à la pression
A mesure que l’on s’enfonce dans les profondeurs de l’océan, la pression s’accentue d’un bar tous les 10 mètres. Ce qui rend l’exploration humaine de ces zones profondes particulièrement difficiles. Mais alors comment vivent les animaux des abysses sous une telle pression ?
Avec un corps tout mou ! En effet, le corps flasque ou gélatineux des poissons résiste à cette forte pression en se comprimant. Cette adaptation ne résiste pas à une remontée en surface où la pression est beaucoup moins forte.
Cela se vérifie chez le « blob fish » (littéralement le poisson tache ou flou !), qualifié de poisson le plus laid du monde. Remonté à la surface, il se déforme et devient une forme gélatineuse, loin de son apparence dans le milieu naturel.
Très petit ou très grand : les extrêmes se côtoient dans les abysses !
Le gigantisme abyssal serait une stratégie de survie de certaines espèces dans ces conditions de vie extrêmes. Les basses températures, la rareté de la nourriture et l’absence de lumière ont favorisé l’apparition d’animaux des abysses beaucoup plus grands que les espèces similaires vivant dans des eaux moins profondes.
Un métabolisme et une maturité sexuelle plus lents avec une longévité importante participent à la survie de ces animaux. Leur grande taille les protège aussi des prédateurs.
Parmi les espèces de grande taille, on compte le bathynome, le crabe-araignée géant du Japon qui est le plus grand crabe au monde, ou encore le régalec, poisson qui atteint les 12 m de long sans oublier le calmar géant Architeuthis dux ou le calmar colossal Mesonychoteuthis hamiltoni qui mesurent entre 13 et 14 m.
Mais ce n’est pas toujours la taille qui compte, certaines espèces aux noms bien effrayants sont tout petits : le poisson ogre ne mesure que 16 cm, le vampire des abysses atteint 30 cm maximum et la baudroie abyssale femelle ne dépasse pas les 20 cm – le mâle lui n’en fait que 3 !
Petits ou grands, les animaux des abysses, acteurs d’un monde fascinant, ont encore beaucoup à nous apprendre sur les mécanismes de la vie et de la nature !