La bioluminescence : pourquoi les animaux des abysses brillent-ils dans le noir ?
La bioluminescence, un exemple d’adaptation à la vie dans les grands fonds marins.
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Vous apercevez une petite lumière dans les abysses, alors que tout autour l’obscurité règne. Mais d’où provient cette source lumineuse ? Il y a de grandes chances qu'elle soit produite par une baudroie abyssale, qui agite son leurre dans l’espoir d’attraper une proie ou de rencontrer un partenaire.
Ce phénomène s’appelle la bioluminescence et se rencontre fréquemment dans les profondeurs de l’océan. Essayons d’en savoir un peu plus !
Qui est bioluminescent ?
La bioluminescence est un phénomène courant. Une étude a montré que 70 % des poissons dans un environnement pélagique sont bioluminescents et ce chiffre monte à 90 % des poissons en-dessous de 500 m de profondeur.
Phytoplancton, méduses et calamars peuvent aussi créer leur lumière et briller dans le noir. En tout, ce sont les trois-quarts des animaux marins et aussi les bactéries qui sont bioluminescents.
Mais pourquoi ces êtres vivants produisent de la lumière ?
Briller dans le noir, une question de survie
Dans un environnement où plus aucune lumière naturelle ne pénètre dans l’océan au-delà de 1 000 mètres, de nombreux organismes marins utilisent la bioluminescence pour répondre à leurs besoins basiques : se défendre, se nourrir, se rencontrer et se reproduire.
Opération défense
Pour se défendre il y a par exemple la technique du « vomi bioluminescent » que la crevette des profondeurs Acanthephyra purpurea n’hésite pas à projeter de manière à repousser ses prédateurs. Autre tactique, le flash lumineux, produit par l’Atolla Atolla wyvillei, une méduse des profondeurs de couleur rouge vif lorsqu’elle est attaquée. Cette réaction lui a valu le surnom de « méduse alarme » car elle attire alors d’autres prédateurs qui la débarrasse de ses attaquants.
Cette capacité à attirer des animaux des profondeurs en utilisant des flashs lumineux a été imité par Edith Widder, biologiste marin. Son appareil E-jelly a permis d’attirer l’attention d’un calmar géant afin de le filmer dans les profondeurs de l’océan. Une première et un bel exemple de biomimétisme !
Plus en surface, les ostracodes, des petits crustacés, produisent une lumière bleutée dès qu’ils sont un peu chahutés par les vagues ou qu’ils se sentent menacés. Leur présence a rendu célèbres les plages des Maldives qui se voilent d’un reflet bleu fluorescent.
Se nourrir
Cette capacité à produire de la lumière est aussi utilisée comme leurre pour trouver sa nourriture. Ainsi la baudroie abyssale possède un sac de peau appelé esca, rempli de bactéries luminescentes qui se trouve à l’extrémité de la première épine de sa nageoire dorsale, démesurément allongée. Ce leurre attire la proie que la baudroie peut alors avaler.
Chez d’autres poissons-pêcheurs de la même famille des Lophiformes, l’organe lumineux est placé sur le palais, à l’intérieur de la mâchoire supérieure. Le poisson n’a qu’à attendre tranquillement qu’une proie s’approche de ce leurre pour ensuite fermer la mâchoire et manger à son aise. Cette technique est aussi utilisée par le bien-nommé poisson-lanterne.
Si ces poissons utilisent ce leurre lumineux pour être remarqués, le calmar lui utilise la lumière pour masquer sa silhouette et ne pas être vu. Un joli tour de passe-passe pour se rendre invisible à la fois des prédateurs mais aussi de ses proies !
Les bactéries elles tiennent à être vues pour être mangées ! C'est l'hypothèse avancée par la chercheuse Séverine Martini qui étudie la bioluminescence au CNRS. En effet, dans les intestins des poissons, ces microorganismes trouvent de quoi manger et se multiplier plus vite que dans l’océan. Mais la fonction de la capacité à émettre de la lumière recèle encore bien des mystères.
Recherche partenaire
Difficile de se voir dans le noir et donc plus encore de trouver un partenaire !
Les signaux lumineux peuvent être alors un moyen pour les animaux marins de repérer un partenaire potentiel et ainsi de se reproduire.
Dans l’océan, le poisson-crapaud à nageoire unie Porichthys notatus qui vit jusqu’à 366 mètres de profondeur construit un nid sous les cailloux durant la période de reproduction. Connu pour émettre des grognements sonores pour attirer la femelle dans son nid, il possède également des photophores luminescents qui s'allument durant la période de frai.
Comment se fabrique cette bioluminescence ?
Cette capacité pour certains êtres vivants de produire de la lumière résulte d’une réaction chimique entre la luciférine, une molécule dont l’oxydation provoquée par la luciférase, un enzyme, produit de la lumière. Et pour que la réaction chimique se fasse, il faut un catalyseur, produit par un être vivant : ce catalyseur est l’ATP.
Bioluminescence, phosphorescence ou fluorescence ?
Bioluminescence, phosphorescence ou fluorescence sont trois phénomènes qui produisent de la lumière mais dont l’origine est différente :
- La bioluminescence est donc le fruit d’une réaction chimique.
- La phosphorescence est la capacité pour certains corps d’émettre de la lumière après en avoir reçu.
- La fluorescence est la capacité pour certains organismes de renvoyer immédiatement de la lumière après en avoir reçu. Certains coraux sont capables de fluorescence ; les protéines contenues dans les tissus coralliens absorbent la lumière bleue et renvoient de la lumière verte.
Quelles applications peut-on tirer de la bioluminescence ?
L’observation de la bioluminescence a permis de mieux comprendre certaines espèces mais ce phénomène nous intéresse aussi pour ses applications dans notre quotidien.
Le saviez-vous ? Pendant la seconde guerre mondiale, les officiers japonais arrivaient à lire leurs documents dans le noir grâce à de la poudre de cypridina (des ostracodes), qui même séchée restait bioluminescente.
Par exemple, dans le traitement de l’eau on utilise l’ATPmétrie qui mesure la présence de l’ATP, cette molécule présente dans tout organisme vivant. Cette molécule produit de la lumière quand elle est en contact avec le couple luciférine/luciférase. Plus il y a d’ATP, plus ça brille et cela révèle donc un risque de développement de bactéries dans l’eau.
En médecine, des bactéries bioluminescentes ont permis à des chercheurs de localiser précisément en 3D une tumeur chez une souris. Ces recherches pourraient permettre d’améliorer l’imagerie médicale et donc de détecter des tumeurs précoces en estimant précisément leur taille et leur forme.
L’Aequorea victoria, une méduse luminescente contient une protéine, l’aequorine utilisée comme marqueur biologique dans la recherche médicale. L’extraction de cette protéine fluorescente verte a été couronnée du prix Nobel de chimie en 2008 pour le Japonais Osamu Shimomura, les Américains Roger Tsien et Martin Chalfie.